Aquarelle cruelle
J’ai quitté mon nid de papier
pour le pays des hirondelles
et l’aube grisonnait à peine
que je filais à tire d’aile
laissant ma plume à l’encrier
La colline des oliviers
griffée de murets qui s’effondrent
incline son épaule ronde
vers le miroir de son bassin
que frôlent les cris des arondes
Leur ballet dans le clair matin
cisaille l’air au nez des chats
il électrise leur prunelle
fascine ces patients félins
qui sommeillaient sur la margelle
Au bord du toit pépie cruel
l’âpre combat pour la becquée
des insatiables nouveau-nés
Poussins chétifs cramponnez-vous
sous le palmier guette un matou !
J’ai quitté mon nid de papier
pour le pays des hirondelles
la cruauté y est si belle
qu’on lui pardonne d’exister
On ne blâme pas les épines
des douces fleurs de l’oranger
qui ensorcellent les vergers
de leur parfum d’étoiles fines