Passeur de mémoire
Il a franchi à petit bruit
le pas de porte de l’histoire
À petits pas dans ma mémoire
ses mots gravés mordent l’oubli
Il gardait au fond d’un tiroir
une ou deux guerres assoupies
qui s’embrasaient parfois le soir
et crépitaient du feu nourri
de ses souvenirs-laminoirs.
À petits pas dans ma mémoire
ses mots gravés mordent l’oubli
Il avait roulé sous son lit
les beaux drapeaux jubilatoires
et les armistices fleuris
que l’on déploie
ostentatoires
arrogants comme des défis
Il préférait
dans ses histoires
évoquer l’amitié qui lie
entre eux
ceux que le désespoir
tient dans son poing
à sa merci
Il repliait dans ses mouchoirs
des chagrins bus jusqu’à la lie
et les crachats des cauchemars
qui engluaient ses insomnies
Il a franchi à petit bruit
le pas de porte de l’histoire
Il est assis dans ma mémoire
et son fauteuil un peu flétri
retient entre ses accoudoirs
son ombre qui n’a pas pâli